Par Yang MESTRE-ZHOU

La Chine est reliée à l’Europe par voies maritimes, aériennes et ferroviaires, mais le commerce est confronté à une multitude de contraintes comme le délai/la rapidité de livraison, les facilités de transport et les coûts. Il y a donc plusieurs arbitrages à réaliser (soit le délai est long mais le cout faible, soit il est rapide avec un  coût élevé).

Dans le contexte de la « Ceinture et la Nouvelle Route de la Soie », la Chine souhaite développer des échanges économiques réguliers et pérennes avec ses partenaires commerciaux. La China Railway Corporation a ainsi instauré le  projet « China Railway Express » (abrégé en CR Express) afin de renforcer l’interconnexion des infrastructures de transports et de logistiques, ce qui participe à accroitre le niveau de coopération économique et commerciale dans les différents pays le long de «la Ceinture et de la Route de la soie ». Le CR Express a été mis en place le 19 mars 2011 avec la première ligne ferroviaire au départ de Chongqing à destination de Duisbourg en Allemagne. On estime aujourd’hui que 48 villes chinoises sont rattachées à ce projet qui compte 65 lignes en circulation à destination  de 44 villes de 15 pays européens.  Au total, on dénombre environ 11 000 voyages depuis le début du projet.

Ce projet planifie trois chemins principaux pour atteindre l’Europe:

–Le Chemin Ouest avec trois sorties de la frontière chinoise. La première consiste à quitter la Chine par le Xinjiang Alashankou puis se relie au chemin de fer sibérien russe via le Kazakhstan, il passe ensuite par la Biélorussie, la Pologne, l’Allemagne, etc.  La deuxième sortie s’effectue par le port sec de Khorgos et rejoint l’Europe,  soit par le Kazakhstan, via le Turkménistan, l’Iran, la Turquie et d’autres pays ; soit par la côté de la mer Caspienne, en passant par l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Bulgarie et d’autres pays.  La troisième sortie est liée au Turkménistan et au futur chemin ferroviaire zhongjiwu, via le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, l’Iran, la Turquie et d’autres pays.

–Le Chemin Médian, il part du port d’Erenhot en Mongolie intérieure pour rejoindre le chemin de fer sibérien russe, via la Mongolie afin d’arriver dans les pays d’Europe de l’Est.

–Le Chemin Est quitte la frontière par le port de Manzhouli en Mongolie intérieure et rejoint aussi le chemin de fer sibérien russe pour atteindre les pays européens.

CR1

Source : thinglink-CGTN America et le Ministère du Transport Chinois

Des points départs stratégiques en Chine :

La majorité des lignes à destination des villes européennes part de grandes villes chinoises situées dans le triangle Zhengzhou – Chongqing – Yiwu. Ces villes se trouvent dans les provinces développées en bordure des zones en cours de développement, mais elles sont aussi bien reliées à la côte maritime et aux grands ports (Tianjin, Qingdao, Yinkou, Shanghai, Hong-Kong, etc.).

Dans le Sud-Ouest, Chengdu dans la province du Sichuan, et Chongqing constituent des carrefours importants en bordure de la Chine développée. Les trains au départ de Chongqing ont cumulé plus de 2000 voyages et circulent en continu toute l’année. Chongqing représente ainsi  35% du montant total d’Import-Export réalisé avec les lignes CR Express en 2017. Ces lignes empruntent majoritairement le Chemin Ouest, du fait de leurs positions stratégiques.

Dans le Centre, Xi’an dans le Shaanxi  constitue le cœur historique de la Route de la Soie, et Zhengzhou dans le Henan, ville idéalement située car proche du Shandong et de Pékin.

Dans le Sud-Est, Wuhan dans le Hubei qui borde le grand fleuve Yangzijiang,  et Yiwu dans le Zhejiang, sont très proches des ports de Shanghai et de Wenzhou. Peu de lignes ferroviaires relient les grands ports chinois aux villes européennes, car le transport maritime est privilégié dans ces zones. C’est pourquoi les villes de Yiwu et Hefei, plus dans les terres, jouent le rôle d’intermédiaires entre transports terrestre et maritime. Dans le Nord de la Chine, les villes de Harbin dans le Heilongjiang et Changchun dans le Jilin sont des points de départs majeurs pour la Russie afin d’atteindre rapidement le Transsibérien par le Chemin Est.

Ces grandes villes vont permettre de désenclaver les territoires périphériques en les reliant aux autres pays apportant ainsi de la croissance dans ces régions surtout celles proches du Sichuan et du Shaanxi. Ce projet est donc complémentaire avec la politique de développement intérieur du territoire amorcée depuis quelques années.

La Russie et l’Allemagne : des étapes incontournables pour rejoindre l’Europe.

La Russie, littéralement située en Eurasie, est le point de passage  pour les principales lignes à destination de l’Europe. Le Transsibérien constitue l’artère majeure des vastes plaines du pays et permet de relier Moscou et Vladivostok en une semaine environ.  Son tracé fut aussi étendu jusqu’à Pékin et la Mongolie afin de favoriser le fret et le transport de passagers. À ce titre, le commerce sino-russe se développe fortement en réduisant le temps et les coûts de transport entre Moscou et la Chine maritime. Par ailleurs, les villes du Centre et l’Ouest de la Chine, en rejoignant les villes d’Iekaterinbourg-Chelyabinsk  et de Tomsk-Novossibirsk, sont de plus en plus connectées au Transsibérien, ce qui favorise l’échange et l’activité économique. Leur position géographique ouvre aussi la voie au commerce avec les pays du Moyen-Orient comme le Kazakhstan, l’Ouzbékistan etc. Une fois à Moscou, les lignes chinoises sont ainsi réparties en fonction de leurs destinations européennes.

Pour les pays d’Europe de l’Est, la Pologne et la République Tchèque sont des terminus importants du fait de leur dynamisme économique.  Depuis ces pays, les produits chinois peuvent aisément atteindre les autres pays Slaves et ceux des Balkans via les villes de Lodz et Pardubice et le fleuve Elbe.

Pour l’Europe de l’Ouest, l’Allemagne est le pays qui rassemble plus de la moitié des lignes et des trains en provenance de la Chine. Sa position géographique en fait un carrefour terrestre entre l’Europe de l’Est et de l’Ouest. On y compte trois villes majeures Terminus :

  • Hambourg, le deuxième port européen, permet aux produits chinois d’atteindre les pays scandinaves (comme le Danemark à proximité) mais aussi les grandes villes de Brème, Hanovre et Berlin.
  • Duisbourg, le plus grand port fluvial au monde, est situé en plein milieu de la mégalopole européenne et du Rhin. L’intérêt stratégique de cette ville permet à la Chine d’échanger par voies terrestres et fluviales  avec l’ensemble des pays du Benelux.
  • Munich-Nuremberg en Bavière constituent des grandes villes commerciales allemandes qui offrent des liaisons avec l’Autriche, l’Italie et la France, augmentant ainsi les possibilités d’échanges.

L’Allemagne est aussi le principal point de départ des trains européens à destination de la Chine. Ils permettent d’exporter les produits européens, comme les voitures allemandes, les cosmétiques français, les vêtements italiens etc.  Le trajet entre la Chine et  l’Allemagne dure environ 15 à 17 jours selon les villes à rejoindre. Le nombre de trains en circulation sur les lignes double chaque année depuis 2014, témoignant de la réussite du projet. D’autres lignes à destination de l’Europe de l’Ouest sont aussi établies permettent d’augmenter le fret avec la Chine sans surcharger les lignes déjà existantes.  Celles-ci sont plus récentes  comme la ligne Zhengzhou-Liège ou encore Yiwu-Madrid.

Le graphique ci-dessous comptabilise le nombre de voyages par an réalisé sur l’ensemble des lignes depuis 2011.

CR2Source: CHINA RAILWAY Express: BELT AND ROAD PORTAL•YIDAIYILU.GOV.CN

Le train représente ainsi de belles opportunités d’échanges entre l’Europe et la Chine, et ce malgré la distance.  Comparé au transport aérien beaucoup plus rapide, le rail est moins cher et permet de transporter plus de marchandises. Le transport maritime reste le moyen d’échange le plus économique car il permet d’embarquer de très grandes quantités de marchandises diverses mais il est aussi le plus long car  le temps de trajet en bateau se situe entre 1 et 2 mois selon la destination. Le train apparaît alors comme une alternative entre rapidité et couts et il représente, de plus, le moyen optimal d’échange avec les pays fermés qui n’ont pas d’accès maritimes.

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