À l’heure actuelle, les voies terrestres ne sont toujours pas le mode de transport privilégié. Bien que les routes ferroviaires qui se développent projettent de modifier ce constat, les voies maritimes sont moins onéreuses que les voies ferroviaires, en raison de la quantité plus importante de conteneurs déplacés par bateau par rapport au train.

Xi Jinping lors du premier Forum international des Nouvelles Routes de la Soie. Via REUTERS/Jason Lee.

Les Routes de la Soie maritimes (en anglais “MSRI” pour Maritime Silk Road Initiative) s’apprête à devenir un ensemble logistique formé de points de passage maritimes. Le tronçon maritime rejoignant l’Europe devrait être soutenu par les voies terrestres qui seront elles principalement ferroviaires1. Mais plus encore, la réussite du projet chinois repose sur une connectivité efficace et bien ficelée entre la Chine et ses partenaires. Dans certains cas, les entreprises chinoises sont désignées en tant qu’opératrices dans les ports étrangers, dans d’autres cas, il s’agit de partenariats financiers. La capacité des ports à recevoir des portes-conteneurs et à gérer le stockage et le transit constitue un autre enjeu à inspecter de près. En particulier, pour assurer l’étape du stockage, les ports doivent investir dans zones industrialo-portuaires2.

À l’embouchure de l’océan Indien, le Proche-Orient connecte l’Asie à l’Europe et regroupe plusieurs projets et tracés initiés entre les puissances occidentales. Les tronçons passant par la mer Rouge ou par le canal de Suez ont historiquement augmenté leur essor grâce aux échanges d’hydrocarbures. En 2022, l’Indice de performance des ports à conteneurs développé par la Banque mondiale révèle que 4 des 10 ports les plus performants du monde se situent dans la région3.

La Chine et l’Égypte, quel avenir pour l’historique canal de Suez ?

Par le biais de COSCO et de son statut d’opérateur, la Chine contrôle le port du Pirée, en Grèce. De là, une foule de financements sont implantés dans une majeure partie de l’écosystème portuaire du Proche-Orient. En Égypte, d’abord, Pékin soutient l’accroissement de la capacité des ports sur la face méditerranéenne, notamment ceux d’Alexandrie et d’El Dekheila. S’agissant de compléter la liste de ses partenaires, Le Caire annonçait en janvier 2021 son intention de s’associer à CMA CGM, une compagnie maritime d’affrètement française, pour le développement du port d’Alexandrie. Le terminal exploité par CMA CGM est opérationnel depuis le début de l’année 2023.

Mais la Chine est surtout le premier investisseur du méga-projet de la zone économique du canal de Suez. COSCO possède une participation de 25% dans l’exploitation du port de Sokhna, situé à proximité de la zone économique du canal de Suez. L’intérêt chinois vis-à-vis de Sokhna s’inscrit dans le développement de la zone économique qui pourrait à terme devenir un centre logistique important dans la région. L’accord signé en 2023 avec COSCO est prévu pour une durée de 30 ans.

Le canal de Suez, en Égypte

L’Égypte consacre une grande partie de ses investissements à l’avenir de la zone économique du Canal de Suez. Dans le cadre de la Vision 2030, Le Caire promet de s’engager dans une diversification de ses secteurs économiques principaux. La zone économique du Canal de Suez se doit d’être un réceptacle pour les investissements directs étrangers. Le projet chinois s’aligne donc sur cette vision. C’est en tout cas le discours qui est fréquemment tenu entre officiels égyptiens et représentants chinois.

Les États-Unis, l’Europe, l’Inde, quel contre-poids à la BRI ?

Les États-Unis, l’Union européenne, les Émirats arabes unis, l’Inde, l’Arabie saoudite, l’Italie, la France et l’Allemagne ont signé un protocole d’accord lors du sommet du G20. Selon la Maison Blanche, l’accord viserait le tracé de deux segments maritimes. Le premier, le corridor oriental, reliera l’Inde au golfe Persique, entre Mumbai et Mundra aux Émirats arabes unis. Le second, le corridor septentrional, reliera le golfe Persique à l’Europe. Au milieu : un réseau ferroviaire partira ensuite des Émirats arabes unis, vers l’Arabie saoudite et la Jordanie, jusqu’au port israélien de Haïfa pour atteindre les rives de la mer Méditerranée. Haïfa sera alors relié par la mer au port du Pirée en Grèce pour être connecté à l’Europe. Difficile donc de ne pas y voir un projet de concurrence aux Routes de la Soie chinoises.

Le projet a été nommé India-Middle East Corridor. Évalué à 600 milliards de dollars, Washington a annoncé un ajout de contribution à hauteur de 200 milliards de dollars. D’autres États, comme l’Arabie saoudite, le Japon ou le Canada, ont promis une contribution financière au projet.

Tracé du projet du India-Middle East Corridor (IMEC).

Ce corridor ferroviaire reprendrait ainsi certains contours de l’historique tracé du chemin de fer du Hejaz ouvert en 1908 et construit par l’Empire Ottoman et reliant la Palestine et la Syrie à l’Arabie saoudite via la Jordanie.

Le chemin de fer du Hejaz. Via Rayhaber.com.

Auparavant, Israël prévoyait de privatiser le port d’Haïfa au profit de Pékin. Mais, Tel Aviv a donc annoncé en janvier 2023 choisir le Groupe Adani, une compagnie indienne, pour la cessation de son port. Cette privatisation est une action financière marquante pour Israël et représente un important coup manquant pour Pékin.

Mais, loin de la tentation d’y cerner un retournement géopolitique de la part des pays du Golfe, la politique étrangère de ces États doit toujours s’interpréter comme multi-alignée, profitant du paysage multipolaire des acteurs en présence. Si cette approche de la multipolarité s’éloigne du cadre d’appréhension de Washington, les pays du Golfe considèrent bel et bien qu’il n’y a pas de « camp » à choisir mais une multiplicité de partenaires à considérer pour faire du Moyen-Orient une région plus autonome.

Vue du port d’Haïfa. Via REUTERS/Ilan Rosenberg.

En alternative au port d’Haïfa, et pour assurer une connectivité avec le reste des pays de la région, la Chine lorgne tout de même sur les ports libanais, et en particulier le port de Tripoli, que la China Harbor Engineering Company (CHEC), avait contribué à agrandir. La proximité de Tripoli avec la Syrie permet d’entrevoir un projet de construction d’une ligne ferroviaire entre les deux pays. CMA CGM est également présente au port de Tripoli et assurera une liaison entre le Tripoli et plusieurs ports chinois. Une entente pour la gestion logistique a été signée avec la plateforme One Touch développée par Ali Baba.

Mais l’intégration du Liban ne semble pas au programme du projet du India-Middle East Corridor. Au contraire, celui-ci plante le décor : le tracé met en exergue les foyers qui seront à l’avenir considérés comme des centres du commerce maritime et ceux à qui on a retiré ce statut. C’est le cas du Liban et du port de Beyrouth qui n’attirent plus le capital financier. À moyen et court terme, le pays ne bénéficiera pas directement des retours sur investissements et du déploiement économique engendré par le projet.

Un projet qui résiste aux obstacles politiques et sécuritaires ?

Vu les acteurs qu’il rassemble, le méga-projet entre dans le contexte des accords d’Abraham, où la création d’un corridor terrestre reliant les Émirats arabes unis (port de Jebel-Ali) et Israël (port de Haïfa) était un point de discussion. Outre ces accords, des initiatives de facilitation avaient été concédées à Israël. En 2020, l’Arabie saoudite avait autorisé le survol de son territoire par les compagnies aériennes israéliennes, posant une première idée de cette connectivité qui voudrait ensuite se traduire au niveau ferroviaire.

Partant de cela, la guerre poursuivie par Israël pose un obstacle conséquent à la poursuite du projet et compromet la venue d’une normalisation des relations avec l’Arabie saoudite pendant au moins un certain temps – bien que Riyad se soit dit prêt à reprendre les négociations en ce sens dès une future sortie du conflit actuel.

Les attaques que perpétuent les Houthis en soutien au peule palestinien à l’encontre des navires en mer Rouge déstabilisent actuellement les échanges mondiaux entre la Chine, le Moyen-Orient et l’Europe. La Chine subit la hausse du coût du transport maritime engendré par la situation. Par le biais de Mao Ning, porte-parole au ministère des Affaires étrangères, Pékin a rappelé l’importance névralgique de la mer Rouge pour le commerce mondial et a mentionné que « la priorité actuelle est de mettre fin aux combats à Gaza dès que possible afin d’éviter une nouvelle escalade et d’empêcher que la situation ne devienne incontrôlable »4.

Mao Ning, porte-parole du Ministère des Affaires étrangères. Via almanar.com.

En parallèle du tracé maritime, l’évolution des câbles sous-marins

Il semblerait qu’un projet d’installation de câbles à fibres optiques suive un tracé identique. C’est une compagnie indienne, Cinturion, qui est à l’origine de ce projet révélé une semaine avant l’accord du Corridor au G20. Long de 20 000 kilomètres, ce que l’on appelle le Trans Europe Asia System (TEAS) reliera l’Inde via Mumbai à l’Europe via Marseille et Bari.

Sur le même modèle que IMEC, le réseau de câbles sous-marins TEAS profitera de deux routes. L’une contourne la péninsule par le détroit de Bab el-Mandeb et la mer rouge. L’autre emprunte le golfe persique et rejoint la mer meditarrannee par voie terrestre. Le contact avec le Golfe devrait donc laisser place à un segment terrestre. D’après le protocole d’accord signé avec l’Emirates Integrated Telecommunications Company pour la construction d’une station d’atterrissage des câbles à fibre optique, les Émirats arabes unis seront le point d’entrée de ces câbles dans la péninsule.

Câble à fibre optique sous-marin.Via Christoph Burgstedt/GettyImages.

Les deux projets incarnent une vision stratégique de connectivité tissée entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Inde, soutenue par les États-Unis.

Une dynamique qui mêle concurrence et coopération

La conteneurisation des ports a modifié la nature du transport maritime et a par la même occasion stimule la concurrence régionale. En cause, la chasse au surdéveloppement et les obstacles à la spécialisation des ports. Il devient ainsi plus difficile de se démarquer au niveau régional et de maintenir une part de marché suffisante.

Le développement des zones portuaires est bien souvent le fruit d’investissements à la fois publics et privés pour soutenir la demande d’infrastructures et de recherche technologique5.

Dubaï et la zone franche de Jebel Ali (JAFZA)

Les Émirats arabes Unis possèdent un pôle majeur du passage de conteneurs qui stimule la région du Golfe. Le port de Dubaï – et les zones de Rachid et de Jebel Ali – est le centre de l’afflux des conteneurs dans la région.

Les aspirations maritimes de Dubaï ont été révélées dans le plan directeur 2030 de l’autorité maritime de la ville, prévoyant un centre maritime de classe mondiale pour répondre à la croissance du commerce maritime régional. Initialement construit au XIXe siècle, le port de Dubaï a facilité le développement des ports de Rashid, et plus tard, de Jebel Ali dans les années 70. Contrairement à d’autres ports de la région modernisés dans les années 60-70, Jebel Ali est devenu un port mondial majeur grâce à la conteneurisation, jouant un rôle clé dans le fret pour la région du Golfe et au-delà. Jebel Ali et sa zone de libre-échange voisine, JAFZA, représentent plus de 16 % de l’emploi à Dubaï.

C’est aussi à Dubaï qu’est né le 3ème groupe de manutention au monde, DP World, qui a quitté sa simple influence régionale pour devenir un géant mondial.

DP World

Lancée dès 1972 pour gérer le port Rashid à Dubaï, DP World est désormais l’opérateur de près de 60 ports et terminaux sur l’ensemble des continents. Le réseau mondial de DP World représente 9 % du débit mondial des ports à conteneurs.

En 1972, le port Rashid était le seul port opéré par DP World. Via dpworld.com

Par le biais d’acquisitions de ports et de projets d’infrastructure, DP World sert d’instrument d’influence aux Émirats arabes unis6. L’entreprise permet à Dubaï et à la zone économique de Jebel Ali de s’imposer dans la chaîne d’approvisionnement. En exploitant les installations portuaires, elle permet également d’assurer la présence des Émirats arabes unis dans différents points du Moyen-Orient.

Présence portuaire de DP World, mastodonte des opérateurs portuaires

Abu Dhabi Ports

Derrière DP World, une autre compagnie émirienne, Abu Dhabi Ports, opère elle aussi une expansion mondiale. C’est elle qui gère le port Khalifa, le port à conteneur le plus performant du Moyen-Orient et le troisième plus performant du monde7.

Port de Khalifa – gulfnews.com

L’entreprise a signé un accord avec concession de 30 ans avec l’Autorité portuaire de la mer Rouge permettant le développement et l’exploitation d’un terminal polyvalent dans le port de Safaga, en Égypte. L’accord prévoit un investissement de 200 millions de dollars sur trois ans, pour développer une installation de pointe en mer Rouge. Le terminal devrait être opérationnel d’ici 2025.

Les ports saoudiens

L’Arabie saoudite compte sur plusieurs zones portuaires : celle de Dammam et Jubail proche de Riyad, celle de Yanbu proche de Médine et celle de Djeddah proche de la Mecque. La Chine est présente dans ses ports. Elle construit un second terminal à Dammam. Sur les deux terminaux du port de Djeddah, l’un est opéré par DP World et l’autre est détenu à 20% par COSCO.

L’autorité portuaire saoudienne (Mawani) a renforcé les secteurs maritime et logistique. Ce renforcement, aligné avec la stratégie nationale de transport et de logistique, a conduit à la signature d’accords pour établir cinq nouveaux parcs et centres logistiques en 2023, renforçant l’attractivité des ports d’investissement saoudiens. Ces accords incluent le développement de parcs logistiques dans divers ports, la pose de la première pierre du plus grand parc logistique intégré de Maersk au Moyen-Orient, et l’ouverture d’un nouveau parc logistique au port islamique de Djeddah. Pour favoriser le commerce international, Mawani a étendu ses services maritimes avec 28 nouvelles liaisons, tout en signant des partenariats pour améliorer la position des ports saoudiens dans le secteur du transport maritime.

Au-delà de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, le développement portuaire des autres États du Golfe

Bien qu’elles aient tendance à être plus localisées et circonscrites dans la mouvance portuaire de Dubaï, les activités portuaires des autres monarchies du Golfe subissent aussi des développements de manière à répondre à l’augmentation du volume des échanges commerciaux. Dans le cadre de la Vision nationale 2030, le Qatar maintient un objectif global de diversification économique. Cette diversification économique (c’est-à-dire la recherche d’autres secteurs d’activités que les hydrocarbures pour compter dans l’économie nationale) cerne l’intérêt de l’activité portuaire et du transport maritime. Les ports de Hamad, Ruwais et Doha ont ainsi largement augmenté leur performance en 2023. Le Qatar compte surtout sur le port de Hamad pour en faire un des principaux points de passage maritime, dans le giron de Dubaï.

Au sud-est de Dubaï se situe également le port de Duqm, à Oman. À l’instar du Qatar et de l’ensemble des pétromonarchies, Oman opère également une stratégie de diversification économique. Mais reste encore à Oman à développer davantage certaines infrastructures du pays. Oman pourrait bénéficier du chemin de fer voulant être construit avec le Koweït, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et le Bahreïn. Cette route viendrait stimuler les activités maritimes du port de Duqm.

Lancé en 2009, le projet est aujourd’hui retardé pour de nombreuses raisons et notamment le scepticisme à investir dans un projet parfois rythmé par des tensions internes.

Localisation du port de Duqm, à Oman

Les “smart ports”

La concurrence rude pousse à exploiter de nouvelles solutions pour se différencier et se légitimer. En particulier, les géants du transport font face à la demande de plus en plus grande du développement d’une stratégie durable et du financement de la recherche dans ce sens. Le transport maritime international représente plus de 80% du transport commercial, et 3% de la production des gaz à effet de serre. La démarche générale vise donc à montrer que la durabilité des infrastructures portuaires représente un segment prioritaire chez les entreprises du secteur.

Au Moyen-Orient, les zones industrialo-portuaires sont souvent très développées. On assiste à une surenchère de développement dont chaque nouvelle augmentation de la capacité s’accompagne d’un coût de plus en plus démesuré. Les politiques basées sur le développement des terminaux prend rapidement un caractère péremptoire et ne sont en tout état de cause plus suffisante pour faire face à la concurrence, qu’elle soit régionale mais aussi européenne et mondiale8.

Tout ceci mène à investir le secteur du développement numérique et technologique9. La concurrence se positionne ainsi sur le meilleur investisseur dans la recherche de solutions innovantes et facilitatrices de la gestion des ports.

Dans ce cadre, ce que l’on appelle les “smarts ports” correspond à des infrastructures qui sont tout à la fois des nœuds logistiques dans la chaîne de transport, des emplacements pour les activités industrielles et des emplacements pour les activités logistiques. On parle de “smarts ports” pour relever le rôle des structures d’innovation technologique dans les terminaux.

À Jebel Ali, par exemple, le scannage et l’identification des conteneurs endommagés s’opère de manière autonome. Le même port dispose également d’un système de surveillance à distance des conteneurs réfrigérés.

Plusieurs entreprises proposent ainsi des systèmes intelligents à l’intention des zones portuaires et trouvent des marchés à la fois au Proche-Orient et en Chine.

Les promesses de neutralité carbone

Le président du groupe indien Adani, qui a obtenu l’acquisition du port de Haïfa, annonçait fin 2023 que toutes les opérations portuaires seront neutres en carbone d’ici 2025. L’objectif d’opérations portuaires nettes zéro est fixé à 2040.

Dans la même lancée, DP World annonçait s’être fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2040 et des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de 28 % de l’empreinte carbone d’ici 2030.

Dans son entretien réservé à Zawya Projects, Piotr Konopka, le vice-président des programmes mondiaux de décarbonisation et d’énergiede de DP World, évoque l’importance dont relèvent les initiatives de décarbonisation pour les investisseurs du secteur financier comme pour les entreprises avec lesquelles travaille DP World, et en particulier les plus grandes pour lesquelles leur responsabilité est davantage scrutée. Les réglementations européennes et en particulier le système d’échange de quotas d’émission de dioxyde de carbone (en anglais, the EU Emissions Trading System) est un autre levier qui permet aux entreprises comme DP World de viser un objectif de neutralité carbone.

L’impact de la piraterie

L’un des points de passage les plus connus de la région pour la piraterie, le détroit de Bab el-Mandeb, se situe à la porte de la mer Rouge et au sortir du Golfe d’Aden, entre le Yémen et Djibouti. Il est historiquement un point de passage de périlleux, d’une part du fait de la piraterie en provenance de Somalie ou du Yémen, mais également du fait des conditions de navigations difficiles.

Localisation du détroit de Bab el-Mandeb. Via TV5Monde.com.

Les attaques en provenance des côtes yéménites sont principalement la conséquence du débordement sur les espaces maritimes du conflit civil10. Loin de freiner le volume des échanges dans la région, l’impact de la piraterie provoque le besoin d’avoir recours au financement d’équipes armées à bord des embarcations11.

L’influence de l’Iran

L’Iran est également directement impliqué sur un autre point de passage de la région : celui du détroit d’Ormuz. C’est près de 30% du commerce mondial qui transite par ce détroit. Téhéran partage la souveraineté du détroit avec Oman et, en vertu du droit international coutumier, ne peut pas effectuer de blocage du passage ou de fermeture totale du détroit. Bien qu’aucune fermeture n’ait jamais été enregistrée, l’Iran se place comme une menace pour le commerce du Golfe, et en particulier pour les Émirats arabes unis.

Le volet maritime fait partie intégrante de la stratégie d’influence de Téhéran. Si l’on considère la puissance maritime selon la possession de bâtiments (vraquiers, pétroliers, porte-conteneurs, etc), l’Iran se place en tête du classement de la région, selon un rapport publié par l’Agence centrale de renseignement des États-Unis. Avec par exemple 942 navires de commerce, l’Iran égale pratiquement les Émirats arabes unis (600) et l’Arabie saoudite (~400) réunis. L’Iran vise cependant surtout à assurer une présence militaire.

Le Proche-Orient peut-il être contourné par l’Arctique ?

Les Routes de la Soie maritimes se projettent sur plusieurs tracés, et la fonte des glaces dans l’Arctique en suggère une voie de contournement des voies traditionnelles. En 2013, le premier et le seul porte-conteneur jusqu’à maintenant rejoignait l’Europe depuis l’Asie en empruntant le chemin du Grand Nord. Le navire, le “Yong Sheng”, était chinois et affrété par COSCO. La route maritime du Nord permettrait aux porte-conteneurs d’effectuer un voyage plus court de 10 jours que le voyage passant par le canal de Suez12. Pourtant, tout passage nécessite aujourd’hui l’escorte d’un brise-glace. Ainsi, tandis que le projet de la Route de la Soie arctique a été annoncé en 2018, plusieurs indicateurs semblent lui prédire un futur incertain13. Avant l’horizon 2050 et peut-être au-delà, l’Arctique ne devrait pas se transformer en une voie commerciale praticable tout au long de l’année.

Le porte-conteneur chinois « Yong Sheng »

Ces craintes s’observent non sans mal dans les investissements de la Chine et de COSCO qui privilégient aujourd’hui massivement une orientation marquée vers le canal de Suez. Les opérations stratégiques et financières sont conséquentes dans la région du Proche-Orient qui reste d’ailleurs une ressource d’hydrocarbure non négligeable.


Par Alicia Tintelin, Cheffe du Pôle Proche-Orient à l’Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie (OFNRS)