En septembre 2023, le candidat pro-Chine Mohamed Muizzu, représentant la coalition du Congrès progressiste constituée de son propre Congrès national du peuple (PNC) et du Parti populaire des Maldives (PPM) dirigé par l’ancien président Abdullah Yameen Abdul Gayoom, a remporté les élections présidentielles des Maldives, battant le président sortant Ibrahim Mohamed Solih du Parti démocratique des Maldives (MDP), qui avait entretenu des liens étroits avec l’Inde au cours de son mandat.

Pro-China candidate Mohamed Muizzu wins Maldives presidency

Mohamed Muizzu, maire de la capitale de Malé, est titulaire d’un doctorat en génie civil et est entré en politique en 2012. Il a soutenu d’importants projets d’infrastructure alors qu’il était ministre du Logement, qui ont bénéficié d’une aide chinoise, notamment le pont de l’amitié Chine-Maldives, reliant Malé à l’aéroport international. Il a fait campagne avec le slogan « L’Inde dehors », prenant ainsi position dans la rivalité sino-indienne qui se trame dans la région. Ces élections avaient effectivement une dimension domestique aussi bien qu’internationale. Tandis que les Maldives tentent tant bien que mal de sortir leur économie des séquelles du Covid-19 en naviguant les difficultés liées au réchauffement climatique, les élections ont mis en lumière la lutte géopolitique entre l’Inde et la Chine pour l’influence dans les Maldives, un lieu stratégique de part son emplacement. En effet, les Maldives sont positionnées sur le chemin des lignes de transport de marchandises essentielles, y compris des approvisionnements pétroliers de la Chine en provenance du Golfe.

La politique étrangère des Maldives est historiquement passée d’une position pro-chinoise sous l’ancien président Yameen (2013-2018) (désormais incarcéré en raison de corruption et blanchiment d’argent) à une approche plus favorable à l’Inde sous le président Solih (2018-2023), permettant la promotion des valeurs démocratiques et des droits de l’Homme, mais augmentant la présence militaire indienne aux Maldives, ce qui inquiétât la population.

maritime silk road - INSIGHTS
Collier de Perles et routes de transport du pétrole dans l’Océan Indien
https://www.theworlddiplomacy.com/2021/04/string-of-pearls-strategic-dimension.html

La victoire récente du candidat pro-chinois signifie ainsi un revirement dans la politique étrangère des Maldives. Le président Muizzu, avec ses récentes visites en Turquie et aux Émirats Arabes Unis, a d’ores et déjà marqué un changement notable dans la tradition diplomatique des Maldives, rompant avec la norme voulant que la première visite officielle soit à New Delhi. Depuis son investiture, Muizzu a déjà entrepris des actions visant à réorienter la politique nationale. En s’engageant à annuler toute décision prise par l’administration précédente susceptible de compromettre la souveraineté nationale, Muizzu a lancé une révision approfondie de près de 100 accords bilatéraux, incluant ceux conclus avec l’Inde. Parallèlement, les Maldives ont officiellement sollicité le retrait du personnel militaire indien qui utilisait les hélicoptères et avions offerts par l’Inde pour des opérations de secours en cas de catastrophe et des missions humanitaires en bloquant le renouvellement de leurs visas.Top of Form

Ainsi, dans cette période géopolitiquement délicate, il sera crucial pour le nouveau président de trouver un équilibre diplomatique, conciliant les nouvelles alliances potentielles avec la nécessité de maintenir des relations positives avec l’Inde, un partenaire historique, donateur majeur et premier intervenant en cas de crises dans les Maldives.

Position des Maldives au sein des organisations régionales : quelle intégration internationale au-delà de la dichotomie Chine-Inde ?


Les Maldives, petit état insulaire composé de 1 199 îles, dont 202 habitées, sont certes au milieu des tensions sino-indiennes, mais se distinguent également par leur intégration internationale remarquable, en tant que membres actifs de diverses organisations mondiales, prônant une coopération économique tout aussi bien qu’environnementale. La participation active des Maldives à un nombre d’organisations régionales et environnementales reflète clairement leurs objectifs prioritaires, à savoir la protection de l’environnement et le désir de voir les pays développés prendre des mesures significatives face à la crise climatique. Cette intégration traduit également le désir maldivien de ne pas seulement être un pion géopolitique, mais de garder le contrôle sur son image internationale, ses alliances ainsi que ses revendications.

À l’échelle régionale, les Maldives participent activement à des organisations concentrées sur la collaboration économique telles que l’ASEAN (Association des Nations de l’Asie du Sud-Est), l’ASACR (Association Sud-Asiatique pour la Coopération Régionale), l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), le G77, l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), ainsi que des entités spécifiques à l’Océan Indien comme la COI (Commission de l’Océan Indien), l’IOR-ARC (Association de Coopération Régionale pour le Pourtour de l’Océan Indien) et le SASEC (Coopération Economique Sous-Régionale en Asie du Sud).

Les Maldives font partie intégrante des petits États insulaires en développement (PIED), partageant une vulnérabilité climatique prononcée. Cette fragilité face à la pollution, à l’épuisement des ressources, et surtout à l’élévation du niveau de la mer constitue un élément central de l’identité mise en avant par les Maldives. En réponse à ces défis, les Maldives jouent un rôle actif dans des organisations axées sur la protection de l’environnement, notamment au sein de l’Alliance des petits États Insulaires (AOSIS). Cette alliance agit en tant que défenseur puissant lors des conférences sur le climat (COP), visant à représenter les îles menacées à l’échelle internationale, à coordonner leurs efforts et à exiger des actions immédiates et tangibles de la part des pays développés.

Les Maldives sont donc un acteur dynamique dans les efforts internationaux et régionaux, travaillant avec diverses organisations pour favoriser le développement économique et la stabilité environnementale dans la région de l’Océan Indien. Cependant, face au manque d’engagement environnemental de certains partenaires traditionnels tels que l’Australie, les Maldives ont recherché des partenariats alternatifs, notamment avec la Chine ou l’Inde.

La rivalité sino-indienne et son influence sur les Maldives

Les Maldives bénéficient d’un emplacement stratégique dans l’Océan Indien, ce qui leur fournit un accès privilégié à des voies maritimes importantes, favorisant le développement du tourisme, de la pêche et du commerce. De plus, cette situation géographique privilégiée contribue à la préservation de la biodiversité marine et offre aux visiteurs des paysages tropicaux paradisiaques. Pourtant cela signifie également qu’il y a une lutte d’influence entre la Chine et l’Inde, pour accaparer les grâces du gouvernement maldivien, dans l’espoir de consolider leur position stratégique dans la région. Les investissements chinois et indiens dans les Maldives ne se limitent pas seulement aux secteurs économiques, mais incluent également des initiatives politiques et géopolitiques. Les deux puissances voisines cherchent à établir des relations favorables avec le gouvernement maldivien pour sécuriser des avantages géostratégiques, accéder à des ressources naturelles, et étendre leur influence dans cette partie cruciale de l’Océan Indien.

La Chine et l’Inde sont les deux plus grandes puissances en Asie, et les deux pays se retrouvent de fait dans une compétition d’influence régionale. Par exemple, les investissements chinois dans la région, en particulier dans le Corridor Economique Chine-Pakistan (CPEC), ont exacerbé les tensions entre l’Inde et le Pakistan. L’Inde perçoit le CPEC comme une menace pour sa souveraineté et comme une stratégie de la Chine visant à l’encercler, conduisant à une potentielle escalade des conflits régionaux.

La compétition entre l’Inde et la Chine aux Maldives illustre les enjeux complexes de la sécurité dans l’Indopacifique, où les choix de politique étrangère et les alliances régionales jouent un rôle crucial. Cela met en évidence l’interaction complexe entre les engagements économiques, les idées politiques et les alliances régionales dans la dynamique géopolitique de la région. Les Maldives se retrouvent donc au milieu, et cherchent à maintenir un équilibre entre leurs relations avec la Chine et l’Inde, tirant parti de leur situation pour promouvoir leurs intérêts nationaux. Qualifiées d’« alliances de refuge », les alliances avec des états plus puissants sont motivées à la fois par la politique étrangère et la politique intérieure, offrant des gains aux petits États mais s’accompagnant souvent de conditions strictes imposées par les grandes puissances.

L’Inde est un allié de longue date des Maldives, offrant une aide vitale en cas de crise. Malgré un changement de politique à l’égard de la Chine vers 2012, avec une augmentation du commerce bilatéral, les efforts visant à rétablir les liens traditionnels avec l’Inde ont commencé en 2018 sous la présidence de Solih. En 2021, les exportations indiennes ont dépassé celles de la Chine, signalant un potentiel rééquilibrage en faveur de l’Inde. La réorientation politique qui est en train de s’opérer verra probablement cette tendance s’inverser.

Commerce bilatéral des Maldives avec la Chine et l’Inde entre 2010 et 2021 (en millions de dollars)

Quelles relations les Maldives entretiennent-elles avec l’Inde ?


L’inde est un partenaire de longue date pour les Maldives, les deux pays ayant des liens culturels et historiques qui vont au-delà de l’antagonisme sino-indien. L’Inde aide les Maldives dans leur développement en tant que partenaire économique important. Malgré les fluctuations d’orientations des politiques étrangères, l’Inde continue de promouvoir la coopération Sud-Sud et les politiques de bon voisinage avec l’état insulaire.

Au point fort de leur relation, L’Inde et les Maldives ont signé divers accords, notamment ceux liés à la facilitation des visas, à la coopération culturelle, à l’agro-industrie et aux technologies de l’information. Humanitairement, l’Inde apporte régulièrement son soutien en période de crise, comme le coup d’État de 1988, le tsunami de 2004 et les pénuries d’eau de 2014.

L’ancien président Maldivien Solih et le Premier Ministre Indien Modi en 2020

Les préoccupations communes en matière de sécurité maritime entre les Maldives et l’Inde se traduisent par une collaboration significative. L’assistance de l’Inde dans le développement des capacités de surveillance côtière des Maldives en est un exemple concret. En 2013, un accord trilatéral entre l’Inde, le Sri Lanka et les Maldives a renforcé la coopération en matière de sécurité maritime, couvrant la surveillance de la zone économique exclusive, la lutte contre la piraterie et les opérations de recherche et de sauvetage.

L’Inde essaie également de battre la Chine a son propre jeu, en voulant contrecarrer l’influence chinoise grandissante à travers des projets d’infrastructure. Sous Solih, l’Inde et les Maldives ont annoncé un important projet d’infrastructure, à savoir le Pont de Thilamalé (aussi connu sous le nom du projet de connectivité du Grand Malé (GMCP)). Ce projet d’infrastructure comprend la construction d’un pont et d’une chaussée de 6,74 km de long qui reliera la capitale Malé aux îles voisines de Villingli, Gulhifalhu et Thilafushi. La fin des travaux est prévue pour 2026. Selon le haut-commissariat indien dans le pays, le projet a été financé par l’Inde sous la forme d’une subvention de 100 millions de dollars, avec une ligne de crédit de 400 millions de dollars. De plus, le projet Uthuru Thila Falhu représente un effort conjoint entre les gouvernements maldiviens et indiens, et partie du plan d’action de défense. Il s’agit d’une île qui a été sélectionnée pour le développement d’un chantier naval et d’un port pour la garde côtière de la Force de défense nationale des Maldives. Prévue pour être achevée d’ici 2025, elle deviendra l’une des plus grandes bases navales de l’Océan Indien.Top of Form Enfin, pour contrer les routes maritimes de la soie chinoises, New Delhi a lancé le Projet Mausam, qui vise à raviver les liens culturels à travers trente-neuf pays de l’Océan Indien en comprenant le commerce maritime historique, favorisant les collaborations et promouvant le tourisme du patrimoine culturel. Le projet implique des recherches archéologiques, une documentation des pratiques maritimes et des expositions conjointes, contribuant de manière significative à la préservation et à la promotion du riche patrimoine culturel de tout l’Océan Indien. Ces trois projets furent critiqués par le parti de Yameen et Muizzu a de nombreuses reprises, que ce soient en raison des coûts ou de la perte de souveraineté maldivienne.

Ainsi, l’Inde et les Maldives ont des relations extensives, sur plusieurs tableaux. Pourtant, depuis l’investiture du président Muizzu, une détérioration des relations sino-maldiviennes a été observée, marquée par l’annulation d’accords, le refus de renouveler les visas des pilotes d’hélicoptère indiens et les mesures anti-indiennes du gouvernement maldivien, comme par exemple, l’interdiction aux navires indiens d’entrer dans les eaux territoriales des Maldives et l’expulsion de ressortissants indiens.

Aperçu des Relations Bilatérales

La Chine et les Maldives ont des relations historiques qui, selon les archives, remontent à la dynastie Tang (618-907 après J.-C), avec des échanges maritimes et culturels vieux de plus de 600 ans. Pékin met une emphase particulière sur ces liens historiques, dans l’objectif de démontrer qu’elle a une légitimité particulière dans ses liens avec Malé.

La Chine est un partenaire commercial clé des Maldives, avec des relations diplomatiques établies en 1972 et approfondies depuis la visite du président Xi Jinping à Malé en 2014. La Chine est récemment devenue le principal marché touristique des Maldives, grâce à l’effort fourni pour l’amélioration des liaisons aériennes entre la Chine et les Maldives. Commercialement, la Chine bénéficie d’un excédent commercial avec les Maldives et fournit une assistance économique et touristique cruciale. Les échanges commerciaux entre la Chine et les Maldives incluent principalement du riz, des biens de consommation et des produits marins, et les deux pays coopèrent dans les domaines de la pêche et du tourisme. Comme l’Inde, la Chine a apporté son aide aux Maldives après le tsunami de 2004, et a également fourni une assistance économique et médicale aux Maldives pendant la pandémie de COVID-19, soulignant la coopération continue entre les deux pays.

Dans le cadre de la Belt and Road Initiative (BRI), la Chine a investit dans un nombre de projets d’infrastructure, comme la modernisation de l’aéroport, la construction des logements sociaux ou encore celle du pont de l’amitié. Cependant, ces investissements ont entraîné une dette significative envers la Chine. En 2019, les Maldives devaient 240 millions de dollars à la Chine, représentant 8,6 % de sa dette totale. Par ailleurs, Mohamed Nasheed, conseiller clé de l’ancien président Solih et lui-même ancien président, estime que des garanties jusqu’à présent non déclarées pourraient porter l’exposition totale à 3 milliards de dollars, affectant gravement un pays de 400 000 habitants avec un PIB de 4,9 milliards de dollars. Cette dette massive suscite des inquiétudes concernant les stratégies de « dette contre effet de levier » et d’« accaparement de terres », qui prodigueraient à la Chine un contrôle sur les ressources naturelles et les infrastructures. Pourtant, même si les conditions peuvent être défavorables, la Chine constitue un partenaire d’investissement primordial en raison de son financement important et de ses approbations rapides.


Sous la présidence de Muizzu, les Maldives soutiennent fermement le principe d’une seule Chine, mettant l’accent sur le respect mutuel et l’adhésion aux principes d’égalité souveraine et apprécient l’adhésion de la Chine aux cinq principes de coexistence pacifique (respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, la non-agression mutuelle, la non-ingérence dans les affaires intérieures de chacun, l’égalité et le bénéfice mutuel, et la coexistence pacifique). Le président maldivien a également parlé positivement de l’Initiative de développement mondial, de l’Initiative de sécurité mondiale et de l’Initiative de civilisation mondiale proposées par le président chinois Xi Jinping. Il a salué ces initiatives, déclarant qu’elles s’alignent sur les objectifs de sécurité nationale et de développement socio-économique des Maldives. Enfin, Muizzu a salué l’aide de la Chine dans la construction d’infrastructures essentielles pour renforcer la résilience environnementale des Maldives face au changement climatique.

Les Maldives sont dans une situation ambiguë, car la Chine est accusée d’influencer la politique intérieure maldivienne, tout en étant reconnue comme un partenaire économique majeur. La coopération a persisté malgré les préoccupations régionales et mondiales, et semble être renforcée depuis quelques mois.

Quelles réalisations pour les Nouvelles Routes de la Soie aux Maldives

Sous le sigle de la BRI, et plus particulièrement la Route de la Soie Maritime, Pékin a soutenu plusieurs projets clés aux Maldives, avec un accent particulier mis sur les améliorations spatiales, la réduction du temps de trajet, la coopération politique et les avantages économiques. Il est notamment important de noter qu’il y a un manque d’informations exhaustives concernant les projets et les investissements liés à la BRI aux Maldives. Cela est dû au fait que les deux gouvernements n’ont pas divulgué les détails de l’ensemble des projets financés par la BRI. Plusieurs rapports médiatiques ont présenté différent un éventuel projet de logement aux Maldives, tandis qu’il n’existe pas de base de données spécifique capable de fournir des informations précises et détaillées sur les projets liés à la BRI. Cette absence de transparence a entraîné une confusion parmi les citoyens, affectant ainsi la crédibilité et la transparence des projets liés à la BRI dans le pays.

Infrastructure

Pont de l’amitié Chine-Maldives / Pont Sinamalé

Muizzu a décrit le pont de l’amitié Chine-Maldives comme le projet BRI le plus transformateur des Maldives. Avant la réalisation de ce pont, les résidents étaient très dépendants des voies navigables et des jetées pour se déplacer entre les îles, ce qui les exposait aux caprices météorologiques. Par conséquent, l’objectif principal de la construction de ce pont était d’améliorer la connectivité routière. Le pont de 2km relie les îles de Malé et Hulhumalé (via Hulhulé’), et a rendu les transferts et l’accès aux deux îles plus simples pour les touristes et les habitants. Il a apporté des avantages tangibles aux habitants, en particulier des opportunités commerciales en réduisant le temps de trajet entre les îles. Le coût total du projet s’élève à environ 200 millions de dollars, largement financé par la Chine, qui a fourni une subvention de 116 millions de dollars et un prêt de 72 millions de dollars, tandis que le gouvernement des Maldives a dû supporter le reste, soit 12 millions de dollars.

Completed in 2018, the China-Maldives Friendship Bridge is the flagship project of China's infrastructure boom in the Maldives.

Avant la construction du pont, un cabinet de conseil maldivien a souligné l’impact environnemental négatif du projet. En parallèle, l’opposition a critiqué le coût du projet à de nombreuses reprises. Pendant les travaux, les habitants se sont plaints de l’inaccessibilité des spots de surf. Onze surfeurs, dont le champion de bodyboard des Maldives, ont été arrêtés pour avoir surfé sur Raalhugandu (un spot de surf à Malé) ou pour avoir protesté contre la construction du pont, craignant que le pont ne détruise le principal spot de surf de Malé. Néanmoins, le pont a été officiellement inauguré en août 2018 et a apporté du confort à la vie des Maldiviens. Le flux de trafic du continent sur le pont a stimulé les activités socio-économiques, apportant des avantages aux entreprises et aux habitants de la région.

A collage of a bridge and a city

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Expansion de l’aéroport international de Velana

L’aéroport Velana a connu une expansion majeure pour répondre à la demande croissante des passagers, qui devrait atteindre 7,3 millions d’ici 2030. En 2014, lors de la visite du président Xi Jinping aux Maldives, les deux pays ont signé un accord sur l’agrandissement et la modernisation de l’aéroport de Velana, anciennement connu sous le nom d’aéroport international Ibrahim Nasir. Le gouvernement pro-chinois de Yameen a annulé le contrat précédemment attribué à la société indienne GMR Infrastructure pour l’attribuer au Beijing Urban Construction Group. Le projet, d’une valeur d’environ 800 millions de dollars, a impliqué la construction d’une nouvelle piste de 3 400 mètres de long et 65 mètres de large, d’un parc de carburant d’une capacité de 45 millions de litres et d’un terminal de fret de 80 000 tonnes. La piste nouvellement construite a été ouverte en 2018, bien que le gouvernement maldivien ait réservé les droits opérationnels pour des raisons de sécurité.

New Runway of Velana International Airport Reaches Completion | MBR

Projet de route de liaison avec l’atoll de Laamu

La Chine a également construit une route reliant quatre îles, Fonadhoo, Kadhdhoo, Maandhoo et Gan, mesurant 15 km. Le projet de route de liaison a commencé en 2014 et a été ouvert à la circulation en 2016, avant d’être officiellement inaugurée en 2018 par le président Yameen. Le projet a été initialement identifié comme une zone économique spéciale (ZES) potentielle, mais jusqu’à présent, aucun travail de développement n’a été lancé. Le coût estimé est d’environ 30 millions de dollars, qui ont été fournis sous la forme d’une subvention chinoise, présentée comme un « cadeau » du gouvernement chinois aux Maldives. La conception et la construction de la route ont été confiées respectivement à Second Harbour Engineering, une branche de la China Communications Construction Company, et au Jiangsu Transportation Engineering Group.


Développement Social

Aide à la protection environnementale

En 2014, la Chine a offert aux Maldives 200 poubelles d’une valeur de 31 525 dollars américains pour aider le pays à améliorer son système de gestion des déchets et de protection de l’environnement. En 2016, la Chine a de nouveau offert des poubelles aux Maldives, mais il n’y a pas de données précises sur le montant ou la valeur financière de ce don. En 2019, lors du deuxième Forum de la Ceinture et de la Route (BRF) organisé à Bejing, le ministère chinois de l’Écologie et de l’Environnement a créé la « Coalition internationale pour le développement vert de la BRI » en collaboration avec les départements environnementaux de 25 pays, y compris les Maldives. En 2022, la Chine a consenti à apporter son soutien aux Maldives pour le développement de leur économie maritime et pour faire face aux défis du changement climatique.

Développement des soins de santé

Pour soutenir les Maldives dans leur lutte contre la pandémie de COVID-19, la Chine a offert aux Maldives 200 000 doses de vaccins Sinopharm. L’ancien ministre des Affaires étrangères Abdulla Shahid a publiquement apprécié l’aide de la Chine face à l’épidémie de COVID-19, soulignant le rôle important de la Chine dans le taux de vaccination élevé de 80% aux Maldives.

Éducation et coopération culturelle

En 2014, la Chine a offert des objets culturels aux Maldives pour encourager la coopération culturelle entre les deux pays. Plus tard, l’Association Culturelle Chine-Maldives (CMCA) a été créée pour soutenir les programmes d’échange culturel et les bourses d’études pour les jeunes des Maldives. Les étudiants des Maldives ont pu participer à des programmes d’échange culturel grâce au CMCA, qui a également permis à au moins trois étudiants par an d’obtenir une bourse dans des universités chinoises. Le programme d’échange culturel a notamment accueilli onze étudiants de trois universités des Maldives en Chine en 2018.

Projet de logement aux Maldives : Hulhumalé Phase-II

La Chine a apporté son soutien au programme de construction de logements aux Maldives, ayant érigé plus de 10 000 habitations depuis 2010 pour améliorer les conditions de vie de milliers de familles. La phase II du projet Hulhumalé, lancée en 2014, a été confiée à la China State Engineering and Construction Company (CSECC), bénéficiant d’un prêt préférentiel chinois. Initialement nommé « Projet Hiyaa » sous l’administration Yameen, il a été rebaptisé « Projet Vinares » sous l’administration Solih. Jusqu’à présent, 7 000 unités ont été achevées dans la phase II, et la vente des appartement Vinares va bientôt commencer. Des informations contradictoires ont émergé quant au financement de la troisième phase, certains médias indiquant que la Chine s’était retirée de son offre de prêt en 2020. Cette ambiguïté soulève des questions sur la crédibilité et la transparence des investissements chinois aux Maldives.

Urbanco to open sale of unsold Vinares units - The Edition

Energie

Projet de dessalement de l’eau de mer

En 2014, la Chine a accordé aux Maldives une subvention d’urgence de 500 000 dollars américains pour accélérer la réparation de l’usine de dessalement afin de rétablir un approvisionnement en eau pour la population locale. Les deux gouvernements ont également conclu un accord en 2020 d’une valeur de 11,8 millions de dollars pour construire des usines de dessalement en micro-réseau dans cinq îles des Maldives. L’entreprise chinoise Jiangsu Fenghai New Energy Seawater Desalination Development Co. Ltd. a été choisie pour réaliser le projet.

Développement Agricole

Lutte antiparasitaire

La coopération bilatérale dans la lutte antiparasitaire a débuté en 2012 dans le cadre de l’initiative chinoise « Assistance scientifique et technologique aux pays en développement ». En 2014, la Chine a transféré des technologies agricoles aux Maldives pour combattre les chrysomèles du cocotier, un insecte particulièrement nuisible aux Maldives. Depuis lors, l’Académie des Sciences Agricoles Tropicales de la province de Hainan a dépêché divers experts aux Maldives pour mettre en œuvre la prévention et le contrôle du chrysomèle du cocotier. En 2015, la Chine a financé la cérémonie d’inauguration du « Programme de Lutte Antiparasitaire » aux Maldives. En 2019, le ministre maldivien a exprimé sa gratitude envers la Chine pour la formation et l’assistance fournies à ses agriculteurs dans le domaine de la lutte antiparasitaire.

Enjeux de sécurité et inquiétudes internationales

Il y a plusieurs enjeux de sécurité, liés aux relations que les Maldives entretiennent avec la Chine, qui soulèvent des inquiétudes de la communauté internationale.

Au-delà du piège de la dette et du manque de viabilité de certains projets, nombreux sont ceux qui pointent du doigt le contrôle économique grandissant, la présence militaire et les activités navales de la Chine, menant à une influence chinoise incontrôlée dans la zone, suscitant des inquiétudes quant à la sécurité et à la stabilité économique de l’Océan Indien.

L’acquisition par la Chine d’environ 17 îles aux Maldives soulève des préoccupations étendues, tant au niveau régional qu’international, englobant les inquiétudes de l’Inde et des États-Unis. L’île de Feydhoo Finolhu est un exemple concret. En 2016, l’île inhabitée a été louée à une entreprise chinoise pour une durée de 50 ans, pour un coût étonnamment bas de 4 millions de dollars, dans le but de devenir une station balnéaire de luxe. Pourtant, des images satellite ont révélé d’importantes constructions, faisant craindre un éventuel avant-poste militaire. Ce développement constituerait une double menace pour l’Inde, remettant en cause son influence dans la région de l’Océan Indien et posant un risque direct pour la sécurité en raison de la proximité de l’île de Minicoy (île de l’archipel de Lakshadweep, en Inde) et du continent indien. Des analystes suggèrent que la base pourrait être utilisée pour déployer des sous-marins nucléaires, collecter des données hydrologiques et contrôler des routes stratégiques, ce qui aurait un impact significatif sur l’équilibre géopolitique de la région. Cependant, d’autres experts soutiennent que les préoccupations quant aux intérêts militaires chinois sur l’île de Feydhoo Finolhu sont exagérées. Selon d’autres images satellite récentes, la construction est une station commerciale. Conformément à son objectif, le projet achevé devrait comprendre des villas, un quai et des bâtiments administratifs.

A collage of islands in the ocean

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Image satellite de Feydhoo Finolhu

Enfin, la montée possible de l’extrémisme islamique aux Maldives inquiète l’Inde et la Chine. Les deux nations craignent que des groupes terroristes ne trouvent refuge dans les îles inhabitées de l’archipel, ce qui affecterait les intérêts de sécurité régionaux.

Les relations entre les Maldives et la Chine ont évolué au cours des dernières années, avec notamment les investissements massifs et les projets d’infrastructure initiés dans le cadre de la BRI. L’engagement chinois a apporté des changements tangibles à l’infrastructure des Maldives, mais a également soulevé des préoccupations nationales et internationales. La compétition croissante entre la Chine et l’Inde dans la région de l’Océan Indien inquiète et questionne la motivation réelle derrière les initiatives chinoises aux Maldives. Cette rivalité géopolitique a des implications directes sur la manière dont les Maldives naviguent entre les intérêts chinois et indiens, soulignant la nécessité d’un équilibre délicat dans les relations internationales de l’archipel. Le gouvernement maldivien est conscient de sa position et, comme notamment le Sri Lanka, met fréquemment en avant le besoin de maintenir un équilibre lucide dans les relations avec la Chine et l’Inde, veillant à ce que la coopération avec l’une ne compromette pas celle avec l’autre. Bien que les États de l’Océan Indien subissent la compétition sino-indienne, ils gardent la main sur leur politique étrangère, cherchant à tirer parti de leur position pour améliorer les conditions de vie de leurs citoyens.

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Le vice-président maldivien Hussain Mohamed Latheef en Chine, décembre 2023, pour participer au Forum régional Chine-Océan Indien sur la coopération au développement

Ainsi, les préoccupations environnementales occupent une place de plus en plus centrale dans le dialogue sino-maldivien. Les Maldives, en tant que nation insulaire vulnérable aux changements climatiques et à l’élévation du niveau de la mer, sont confrontées à des défis environnementaux pressants. Bien que les projets d’infrastructure chinois apportent des avantages matériels non négligeables, il persiste des préoccupations quant à leur impact sur l’environnement fragile des Maldives. Le gouvernement Maldivien souhaite ainsi axer le partenariat sino-maldivien sur la protection de l’environnement et le développement durable, ce qui nécessite des engagements concrets et répétés, non seulement pour réduire les effets écologiques potentiels des initiatives chinoises, mais aussi apporter un poids international aux revendications des petits états insulaires relatant au développement durable et aux actions des pays développés.

Le gouvernement de Muizzu semble placé sous le signe d’une coopération renforcée avec Pékin, bien qu’un rapprochement avec d’autres pays musulmans (premières visites officielles réalisées en Turquie et aux Emirats Arabes Unis) paraisse être en marche. Les Maldives doivent naviguer habilement entre les influences concurrentes de la Chine et de l’Inde tout en œuvrant à la préservation de leur environnement unique. Dans cette perspective, l’avenir des relations sino-maldiviennes repose sur la capacité des acteurs impliqués à collaborer efficacement pour un développement mutuellement bénéfique et respectueux de l’équilibre écologique et de la souveraineté maldivienne.


Par Marie-Solveig MAGNIER, Analyste Océan Indien et Global Gateway