Sur la rive sud de la Méditerranée, un port gigantesque est sur le point de voir le jour. A Cherchell, en Algérie, les travaux du port El Hamdania ont été lancés après une décennie d’études. Le projet portuaire compte comprendre trois terminaux à conteneurs, un terminal à marchandises et un quai pour les activités de services portuaires. Sa capacité a été alors estimée de 6.5 millions de conteneurs par an et de 25.7 millions de marchandises générales.
Toutefois, le futur port d’El Hamdania n’est pas seulement destiné au commerce national maritime, mais également aux échanges régionaux et vise à s’ériger en un hub commercial régional. En effet, le méga port est adossé à une zone logistique et trois zones industrielles. La première s’étalera sur 255 hectares, et l’ensemble des zones industrielles sur 2000 hectares.
Avec ces caractéristiques, le port serait alors en mesure de concurrencer ses voisins ; le port Tanger et ceux de la rive nord de la méditerranée.

La partie financement de ce projet est bouclé depuis plusieurs années. Le montant du projet est évalué entre 4,5 et 4,8Md$. Il prévoit un prêt chinois de l’Exim Bank en faveur de l’Algérie. Un accord a été signé entre les deux gouvernements d’Alger et de Pékin. En 2019, la situation politique en Algérie a suspendu le projet. “Le coup d’accélérateur de ce projet a été donné lors du conseil des ministres du 28 février quand le président de la République a instruit le ministère en charge du projet, celui des travaux publics et des transports, de prendre toutes les dispositions pour que le projet soit lancé le plus tôt possible” précise Amar Grine, directeur général de l’Agence de réalisation du port du centre Cherchell.
Depuis le conseil des ministres du 28 février 2021, plusieurs étapes ont été franchies. D’une part, l’agence de réalisation de ce port a été créée sous la forme d’un Epic (établissement public à caractère industriel et commercial). Le groupement pour les travaux de construction a été choisi. “Le financement étant réalisé par une convention entre l’Algérie et la Chine, ce dernier a exigé qu’une partie des travaux soit réalisée par ses entreprises nationales. La société chinoise, la China State Engineering Construction, réalisera 65% du volume des travaux. Trois entreprises nationales algériennes publiques seront en charge des 35% restants”, continue Amar Grine

Les travaux du port se feront en deux phases sur 7 ans. La première phase se déroulera sur quatre ans. Elle prévoit la construction de la digue nord, les infrastructures terrestres, la livraison du terminal à marchandises générales et le terminal à conteneurs. La deuxième phase prévoit de réaliser les deux autres terminaux à conteneurs sur trois ans. “
« Après les quatre premières années de travaux, nous pourrons exploiter le terminal à marchandises et le premier terminal à conteneurs”
La position de ce port à quelques miles nautiques de la route maritime reliant l’Asie, la Méditerranée et l’Europe du Nord présente un avantage pour venir concurrencer les autres hubs méditerranéens. “Nous voulons faire de ce port une véritable plate-forme logistique internationale. En outre, nous présentons aussi l’avantage de pouvoir proposer aux porte-conteneurs de dernière génération fonctionnant au GNL de réaliser leur soutage dans ce port. L’Algérie fait partie des premiers producteurs de gaz dans le monde”.
Exempté le développement économique que peut apporter le projet pour l’Algérie, ce dernier va permettre un essor économique régional, voire continental. En effet, le complexe portuaire Cherchell est reliée à la Transsaharienne par un tronçon autoroutier. La route Transsaharienne, dont le segment principal s’étend d’Alger à Lagos, compte plus de 4000 Km et met en connectivité 6 pays africains : Algérie, Tunisie, Mali, Niger, Tchad et le Nigéria.
Dans cette optique, relier le port Cherchell et la Transsaharienne signifie un désenclavement de la bande sahélienne, zone riche en ressources et sans accès maritime. Les marchandises, particulièrement les produits chinois, peuvent atteindre les sols sahéliens plus facilement créant ainsi une nouvelle dynamique économique régionale et un environnement propice à l’accélération des échanges commerciaux.
La connectivité, sujet au cœur des nouvelles routes de la soie, est mise à l’œuvre dans le cadre de ce projet opérant à relier la méditerranée et le golfe de Guinée.
Sous un angle plus large, l’initiative chinoise s’inscrit pleinement dans le cadre de la volonté de Pékin à accroître le commerce sino-africain et promouvoir les échanges Sud-Sud. En dépit de la hausse exponentielle qu’a connue le commerce sino-africain, les chiffres demeurent encore peu importants. Le complexe portuaire Cherchell serait alors la porte vers l’Afrique consolidant des liens commerciaux plus soudés entre le géant asiatique et le continent du futur sous le label « Chinafrique ».

Donia Jemli, Cheffe de pôle Afrique du Nord, diplômée de l’université européenne de Tunis. Elle se spécialise dans les relations internationales, diplomatiques et stratégiques.