Les Etats-Unis et l’Europe tentent de réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine, leader mondial des terres rares. Alors que les deux misent sur le recyclage et les ressources minières de leurs sous-sols pour y arriver, l’empire du Milieu étend toujours plus son emprise hors de ses frontières.
Le producteur chinois de terres rares Shenghe Resources a acquis une participation de 19,9 % dans la compagnie minière Peak Rare Earths (anciennement Peak Resources). C’est l’annonce faite par le propriétaire du projet de terres rares Ngualla en Tanzanie, qui précise que les parts en question ont été rachetées auprès d’Appian Pinnacle Holdco.
« Shenghe est un acteur de premier plan dans le secteur des terres rares et nous considérons son investissement comme une forte confirmation de la nature de classe mondiale du projet intégré de terres rares Ngualla-Teesside de Peak », a réagi Tony Pearson, président de la compagnie.
La présence de Shenghe pourrait aussi faciliter l’obtention du financement nécessaire au développement des deux projets, vu l’importance de la compagnie valorisée à 4,9 milliards $ environ en bourse.

Pour rappel Peak Rare Earths veut lancer la construction de la mine Ngualla d’ici la fin de l’année. Elle dispose déjà de toutes les autorisations nécessaires en Tanzanie, mais aussi au Royaume-Uni, et doit prendre prochainement une décision finale d’investissement, avant de commencer les travaux.
Des stratégies différentes
Si la stratégie qui consiste à acquérir des projets miniers africains ou à y prendre des participations pour sécuriser de futurs approvisionnements n’est pas nouvelle pour la Chine (cas de la bauxite en Guinée), il faut noter qu’elle tranche, pour le moment, avec une absence des pays européens pourtant intéressés eux aussi par les métaux stratégiques, du continent. La RDC, la Namibie, le Mali, le Zimbabwe ont pour point commun la présence de réserves de terres rares et de lithium sur lesquelles les entreprises basées en Chine (et au Japon) ont déjà jeté leur dévolu.
L’UE préfère miser sur le recyclage, plus en phase avec les impératifs écologiques, alors que certaines voix plaident pour un positionnement sur les pays producteurs, car la zone n’a pas assez de ressources pour assurer son indépendance. « On n’a pas de matières premières en Europe, ou très faiblement, si on mobilisait tous nos projets, on arriverait peut-être à 15 % de nos besoins », indique Christel Bories, la PDG du groupe minier français Eramet. On pourra toujours rétorquer que les compagnies minières actives en Afrique installent de plus en plus leurs usines de transformation en Europe et aux Etats-Unis, mais là encore, l’ombre chinoise plane, comme l’illustre l’arrivée de Shenghe sur le projet Ngualla-Teesside.
Les pays africains spectateurs ?

Les plans des pays africains, critiqués régulièrement pour leur absence sur les étapes de la chaine de valeur des métaux extraits de leurs sous-sols, interrogent aussi. Au cours du DRC Africa Business Forum tenu à Kinshasa en novembre dernier, la RDC a dévoilé une série d’intentions pour changer les choses, et participer directement à la transformation et à la commercialisation des matériaux à base de cobalt ou de lithium utilisés dans les véhicules électriques. Des partenariats avec d’autres pays africains hébergeant les mêmes ressources, comme la Zambie, sont aussi envisagés, mais comment transformer des ressources appartenant en majorité, sinon quasi exclusivement, à des entreprises étrangères ?