Dans le cadre des entretiens que nous menons au sein de l’OFNRS, nous recevons aujourd’hui Marc Laplace-Builhé, Liner Shipping Manager chez HAROPA. Il nous éclaire sur l’intégration du port du Havre dans les Nouvelles Routes de la Soie et la place des entreprises chinoises telles que Cosco et ZPMC dans le secteur du transport maritime.
Propos recueillis par Vincent GALLET – Analyste géopolitique auprès de l’Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie (OFNRS)
A l’heure actuelle, quelle est la place du port du Havre dans les Nouvelles Routes de la Soie ?
Aujourd’hui, il n’y a pas vraiment d’investissements chinois liés aux routes de la soie à l’échelle d’HAROPA (Le Havre – Rouen – Paris). Il y a des investissements chinois par le biais d’actionnariats, présents bien avant l’initiative des nouvelles routes de la soie.
Sans parler des routes de la soie, le port du Havre est intégré dans toutes les routes maritimes et la Chine est une route maritime importante pour les compagnies maritimes qui desservent ce secteur. Cela date d’avant l’initiative politique du président chinois Xi Jinping.
Aujourd’hui, ce qui est le plus visible, ce sont les investissements des grands groupes chinois comme Cosco Shipping Lines où une vraie stratégie est facilement analysable. Nous le voyons principalement au port du Pirée, où les chinois ont fait un certain nombre d’investissements puisque la route maritime la plus rapide est bien celle du Sud pour le moment.
Avez-vous suivi en 2018 l’opération commerciale du Port du Havre, à savoir l’achat de 4 mégaportiques auprès de l’entreprise chinoise ZPMC (Shanghai Zhenhua Heavy Industries) ? A-t-elle permis au Port du Havre d’attirer les investissements chinois ?
ZPMC est le leader des fabricants de portiques. Aujourd’hui, lorsque vous souhaitez acheter des portiques pour traiter des navires de 25 conteneurs de largeur, vous n’avez pas énormément de choix au niveau de la concurrence. C’est du ZPMC ou du ZPMC ! Cela fait partie de l’appel d’offres du manutentionnaire qui a investi. Cela répondait à ses critères. Par
ailleurs, il y a aussi une stratégie de groupe à travers l’actionnaire principal de cet investisseur, qui est l’un des plus gros manutentionnaires dans le monde. J’imagine qu’il a un contrat global avec ZPMC. C’est un gros acheteur avec des terminaux partout dans le monde.
Il n’y a pas de stratégie de conquête de ZPMC. ZPMC est toujours le principal constructeur de portiques. De plus en plus de manutentionnaires ont une couverture mondiale avec une capacité de négociation importante.
C’est entre autre la qualité du portique et de son équipement technique qui permet d’apporter de l’efficacité au niveau du port. Qu’il soit chinois ou coréen, cela n’a pas d’incidence sur l’attraction des investissements. L’incidence serait plutôt des mannes d’intérêt des grands groupes chinois dans le développement de la logistique. C’est déjà le cas notamment dans le port du Havre avec Cosco qui commence modestement à s’intéresser à la logistique.


Les débouchés économiques vers l’Axe Seine représentent-ils un atout économique attractif aux yeux des chinois ?
HAROPA propose une solution logistique globale et notre terrain commercial dépasse largement l’Axe Seine. Notre couverture territoriale représente les deux tiers de la France.
S’il devait y avoir un intérêt logistique de groupe chinois, il s’agirait de développer des solutions multimodales pour aller jusqu’à Lyon ou Clermont-Ferrand par exemple.
Quelle est votre vision de la relation commerciale France-Chine dans votre secteur ?
La Chine est le premier partenaire commercial pour les importations d’HAROPA. Les plus gros volumes viennent de Chine, et ce, depuis quelques années. Tout cela est notamment dû aux conditions économiques. Je pense que cela va perdurer un certain temps.
Il existe déjà des réalisations, pas uniquement sur la partie maritime mais aussi sur la partie terrestre : des trains partent directement de Chine et arrivent en Europe.
Comment expliquez-vous la réticence des pays européens à l’égard de l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie ?
La réticence réside dans le fait qu’il y aurait une mainmise sur des corridors ou des installations. Je pense que l’exemple le plus frappant est certainement l’exemple grec.
L’objectif chinois est complètement centré sur l’Europe Centrale. Il existe une logique géographique chinoise qui vise à couvrir l’Europe Centrale par la Méditerranée et non pas par l’Europe du Nord.
Quels sont les impacts de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 sur la logistique et le commerce international ?
Quand vous n’avez plus de consommation, des engorgements se font puisque les commandes sont déjà passées et il faut à peu près un mois pour transporter la marchandise par la mer. De gros engorgements ont eu lieu dès le confinement. Du côté des importations, il y a eu plusieurs arrêts et ralentissements pendant un certain temps. Puis, tout est reparti à la hausse. Au niveau international, la vie du secteur maritime est souvent contrainte à toutes sortes d’événements incontrôlables. Haropa Haropa Haropa
