Par Carlyle Deligny, diplômée en relations internationales, étudiant la géopolitique en Asie. Passée par Pékin et Taiwan. Elle tient aussi un blog sur sa vie d’expatriée en Asie. Elle nous parle dans ce premier opus de la place de la BRI au Vietnam.

Historique des accords entre le Vietnam et la Chine
Les deux pays voisins entretiennent une relation faite de rebondissements. Cependant, depuis 1991, les deux pays s’accordent sur une coopération plus stable. Les relations entre le Vietnam et la Chine à la fin du 20e siècle sont avant tout portées sur le commerce, l’économie et l’investissement.
En 2004, la Chine est le partenaire commercial le plus important du Vietnam. Cette année-là, après la visite du Premier ministre Vietnamien Van Khai en Chine, les deux pays se sont rejoints sur un accord bilatéral appelé “Two corridors, One Belt” ( deux couloirs, une ceinture économique), afin d’établir des infrastructures de transport entre le Sud de la Chine et le Nord du Vietnam. Ces couloirs ont pour but d’améliorer la coopération économique entre la province du Yunnan et du Guangxi avec 12 villes du nord du Vietnam.
Les projets de la BRI et le Vietnam
Pour rappel, le Vietnam a une position géographique mineure dans la cartographie des nouvelles routes de la soie. En effet, à l’extrême Est, Hanoï est l’unique point d’entrée du Vietnam ; que ce soit au niveau de la route maritime ou du corridor indochinois.

À ce jour, les initiatives sous le label des nouvelles routes de la soie au Vietnam sont peu nombreuses. On peut retrouver quelques travaux dans le couloir Kunming – Quang Ninh et la ligne de métro Cat Linh-Ha Dong à Hanoï. Cette nouvelle ligne de métro a été sobrement catégorisée par les deux parties comme un projet de la BRI, après un prêt accordé par la Chine pour couvrir les dépassements de coûts (le coût initial s’élevait à 552 millions de dollars contre 891 millions de dollars à la fin des travaux).

Quelle est la raison de ce manque d’engagement ?
Tout d’abord, le Vietnam craint une certaine dépendance financière vis-à-vis de la Chine et peine à s’intégrer aux projets. En 2017, après plus de deux ans de négociation, les deux pays signent enfin un MOU (Protocole d’entente) sur la mise en œuvre conjointe de l’initiative chinoise la ceinture et la route (BRI) et de l’accord auparavant bilatéral “Deux corridors et une ceinture économique“. La même année, Tran Dai Quang, l’ancien président Vietnamien, participe au sommet de la coopération internationale des nouvelles routes de la soie et soutient officiellement cette initiative d’intégration économique mondiale.

Il se déclare en faveur de la BRI sur la base de plusieurs principes comme les bénéfices mutuels entre les signataires. Il souhaite aussi que les projets de la BRI contribuent au succès du programme de développement durable à l’horizon 2030 de l’ONU. Enfin, le Vietnam veut mettre l’accent sur la protection des travailleurs et de la transparence des projets de la BRI. Des recommandations dont la mise en oeuvre reste à être approuvée par la Chine.
Les besoins d’investissements en infrastructure du Vietnam
En 2011, après avoir obtenu le statut de pays au revenu intermédiaire corrélé avec une baisse de l’aide publique au développement (APD), le Vietnam doit trouver un autre moyen pour combler ses besoins de financement. En effet, selon la Globale infrastructure Outlook, les besoins financiers du Vietnam en nouvelles infrastructures entre 2016 et 2040 s’élèveront à 605 milliards de dollars; l’électricité et les routes étant les secteurs prioritaires.

Le Vietnam a donc intérêt à s’associer au programme de la BRI, sans quoi il risque de manquer de financements pour son développement et d’être écarté définitivement de l’initiative. Bien que réservé sur les prêts accordés par la Chine, le Vietnam approuve le soutien de la banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB) et pourrait se tourner vers cette institution pour pallier à ses besoins de financement. En parallèle, le président de l’AIIB confirme sa volonté d’investir dans les projets de développement du Vietnam, plus particulièrement les chemins de fer, les autoroutes et les ports maritimes. Une alternative aux prêts accordés par la Chine est donc possible et serait une solution plausible pour inclure le Vietnam aux projets de la BRI.
La mer de Chine méridionale cristallise les tensions entre la Chine et le Vietnam
Le 2 mai 2014 marque un tournant dans l’histoire commune des deux pays lorsque le gouvernement chinois décide d’installer une plateforme de forage dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental du Vietnam.

Même si la fin du 20e siècle sera marquée par les différents accords maritimes entre les deux pays notamment en 1999 avec un accord de pêche dans le golf du Tonkin, les deux nations se disputent toujours les Paracels et les Spratleys, ainsi que les eaux environnantes.
Malgré une coopération économique accrue, la crise des plateformes pétrolières en 2014 en mer de Chine méridionale cristallise bel et bien les tensions entre les deux pays et pourrait entacher les futurs projets de la BRI.
Conclusion
Si les besoins en infrastructures du Vietnam se font pressants, il reste néanmoins prudent voire peu enclin à demander des prêts à la Chine. En restant vigilant envers les prêts entre gouvernements, le Vietnam pourrait encourager les investisseurs privés nationaux à solliciter des prêts à l’AIIB, dans le cadre du modèle BOT (build operate transfer). L’AIIB a laissé entendre que de nouveaux projets financés au Vietnam devaient être identifiés dès 2017, mais n’a pas reçu de demande à ce jour. Enfin, l’évolution du conflit en Mer de Chine Méridional définira la relation entre les deux pays et la volonté ou non pour le Vietnam d’intégrer pleinement la BRI. Même si les avancées peinent à voir le jour, Hanoï fera sûrement preuve d’un intérêt grandissant pour les nouvelles routes de la soie, afin de raffermir ses relations avec la Chine et ses voisins.
Sources :
https://www.iias.asia/the-newsletter/article/belt-road-initiative-vietnam-challenges-prospects
http://www.nids.mod.go.jp/english/publication/joint_research/series17/pdf/chapter04.pdf
https://www.lejournalinternational.fr/Chine-Vietnam-la-guerre-des-plateformes-petrolieres_a1924.html
http://blogs.duanemorris.com/vietnam/wp-content/uploads/sites/19/2018/05/OBOR-Vietnam-Infrastructures-AJCEI-2018-05-02-S.pdf
https://www.lecourrier.vn/vietnam-chine-les-relations-ne-cessent-de-se-renforcer/533655.html