Par Madina Tsoroeva,

La coopération économique entre la Russie et la Chine s’accélère, cependant on assiste encore à quelques contradictions. Dans le cadre de la coopération économique russo-chinoise, la construction d’infrastructures fait l’objet d’une attention particulière. Notamment l’amélioration du système de transport transfrontalier. La frontière entre la Chine et la Russie est assez grande, du côté russe la frontière longe cinq sujets fédéraux : le kraï de Khabarovsk, le kraï du Primorié, l’oblast d’Amour, l’oblast de Tchita et Birobidjan (région autonome juive). Du côté chinois : la région autonome de Mongolie-Intérieure, les provinces de Jilin et du Heilongjiang.

En effet le développement du commerce transfrontalier engendra le développement de l’industrie dans l’Extrême-Orient russe et les trois régions du nord de la Chine. La Russie est très intéressée par l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie et y voit un grand potentiel de coopération. Par conséquent le pays a signé un grand nombre d’accords bilatéraux dans le cadre de cet important projet. Ce grand voisin de la Chine est incontournable pour les nouvelles routes de la soie tant maritimes que terrestres.

Le projet d’infrastructure clé du développement de la coopération économique entre la Russie et la Chine, est la construction d’un pont de chemin de fer à travers le fleuve Amour (en chinois ce fleuve est nommé Heilongjiang, la province du nord-est de la Chine où il s’écoule donne son nom au fleuve). Il s’agit de construire un premier passage transfrontalier ferroviaire à travers le fleuve connectant la province de Heilongjiang et le Birobidjan.

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En juin 2013, un accord sur la construction d’un pont entre la Russie et la Chine a été conclu. En effet lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg[1], le premier vice-premier ministre russe, Igor Shuvalov et le premier vice-premier ministre du Conseil d’État chinois Zhang Gaoli se sont mis d’accord sur la réalisation de ce projet transfrontalier, selon lequel la Chine se charge de la construction de 17 travées (la plus grande partie du pont se trouvant sur le territoire chinois) et la Russie des trois dernières travées. La longueur totale du pont est de 2209 mètres dont 309 mètres sont sur le territoire russe. Le pont sera à double voie, avec un gabarit conforme aux normes russes et chinoises.  En termes de coûts, la Chine a investi 2,642 milliards de yuans (331 millions d’euros) dans le projet, le coût de la partie russe s’élève à 9 milliards de roubles (120 millions d’euros). Ces financements proviennent pour la Russie du fonds de développement pour l’Extrême-Orient et de la région de Baïkal. Pour la Chine de la China Railway Corporation et de la province du Heilongjiang.

Les constructions se font entre le village de Nizhneleninskoye (Birobidjan, Russie) et la ville chinoise de Tongjiang (Province de Heilongjian, Chine), c’est donc le premier pont ferroviaire entre les deux rives chinoise et russe de l’Amour. Le Birobidjan prévoit d’exporter vers la Chine du minerai de fer et du charbon.

La Chine a commencé la construction en février 2014, elle achève sa partie 4 ans plus tard (octobre 2018) érigeant 17 travées d’un total de 1755 mètres de long, selon l’agence de télévision chinoise CCTV. Ainsi en octobre 2018 la rive chinoise du fleuve est désormais prête à être connecté à la rive russe du fleuve Amour.

Le côté russe doit encore finir sa partie et compléter le projet. En Russie les travaux n’ont commencé qu’en 2016 suite aux contraintes internes du pays. Initialement il était prévu de finir la construction du pont en fin 2018, cependant le côté russe a rencontré des difficultés, notamment des difficultés liées au climat, par conséquent la date a été reporté à juin 2019.  Il se peut que le coût du projet puisse être augmenté.

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Au cours des travaux, le côté russe devait effectuer ; la construction de la passerelle d’une longueur de 309 mètres, l’aménagement des voies d’accès au pont d’une longueur de 5 kilomètres, le ballastage de la voie ferrée à hauteur de 72 200 mètres cubes, pose de voies ferrées d’une longueur totale de 27,03 km. Selon le gouvernement du Birobidjan, le bétonnage du troisième pilier du pont a été achevé. Prochainement, l’installation de la travée reliant les troisième et deuxième pilier sera achevée. Les équipements métalliques pour sa mise en œuvre sont déjà sur le site de construction.

Le pont sur le fleuve Amour devrait être mis en service mi-2019. Sa capacité atteindra 21 millions de tonnes par an. Le pont créera un nouveau corridor d’exportation entre la Russie et la Chine. Le passage réduira la distance de transport d’environ 700 km par rapport aux autres itinéraires ferroviaires d’exportation existants.

Le pont aura une grande importance non seulement pour Birobidjan, d’après son gouverneur Alexandre Levintal, mais également pour la Yakoutie, le kraï de Khabarovsk et l’oblast de l’Amour. La Chine à son tour espère que la construction du pont contribuera au développement des liens économiques entre le nord-est de la Chine et l’Extrême-Orient de la Russie. En effet la coopération régionale est un point important dans les relations bilatérales entre les voisins. Selon le directeur de l’Institut d’économie régionale moderne de Chine et de Russie du Heilongjiang, le pont ferroviaire Tongjiang-Nizhneleninskoye renforcera davantage l’interdépendance des économies des deux pays et contribuera également au développement de la coopération industrielle bilatérale.

[1] Rencontre annuelle des entreprises russes dans le domaine économique, tenue à Saint-Pétersbourg depuis 1997 avec la participation du président de la Russie. Le forum s’adresse principalement aux dirigeants des plus grandes entreprises russes et étrangères, aux chefs d’État et aux dirigeants politiques, aux premiers ministres, aux vice-premiers ministres, aux ministres et aux gouverneurs.

Cet article est le quatrième de la série sur les Projets de la BRI.

Sources :

Carte réalisée par Jonathan Leblanc, Cartographe de l’OFNRS.