Par Naël de la Sayette
La sortie des Etats-Unis du JCPOA, le fameux accord sur le nucléaire iranien donne l’opportunité aux autres Etats signataires de développer tout un système politico-financier alternatif au système actuel, largement dominé par « l’hyperpuissance » atlantique. En effet, les Etats-Unis, par l’intermédiaire de leur président, Donald Trump, ont déclaré leur volonté de mettre en place « le plus haut niveau possible de sanctions », isolant ainsi la République islamique.
Première victime de ce revirement unilatéral, une banque française, la Société Générale, qui a annoncé préparer le paiement de plus d’un milliard de dollars pour avoir enfreint les sanctions américaines. Le système utilisé par la justice américaine afin d’imposer leurs sanctions est bien connu. Le principe d’extraterritorialité du droit américain, notamment de la fameuse loi anticorruption, la FCPA, les autorise à frapper des entreprises étrangères pour des actions commises hors de leur territoire.
Afin d’obliger les entreprises contrevenantes à obéir, la justice américaine brandit constamment la menace d’interdire l’accès au territoire des Etats Unis, ce qui condamnerait à mort pratiquement tout grand groupe européen. Par conséquent, malgré que la France et l’Allemagne demeurent des pays signataires de cet accord sur le nucléaire iranien, elles sont de fait limitées dans leurs actions, comme le montre le retrait de Total d’Iran, et la décision de la Maison Blanche les lient irrémédiablement, et ce malgré les déclarations de Bruno Le Maire, ministre français de l’économie.
La Russie et la Chine en revanche, sont bien dans une situation tout à fait différente. Pour la première, elle est déjà sous un régime de sanctions depuis l’invasion d’Ukraine, et est donc imperméable à toute forme de menaces économiques supplémentaires. Quant à la Chine, si elle fait effectivement l’objet d’une guerre commerciale avec les Etats Unis, et est véritablement la raison pour laquelle Washington cherche à écarter tout concurrent européen, n’a jamais fait l’objet de sanctions sous le régime de la FCPA. En effet, aucune entreprise chinoise n’a été contrainte de verser des amendes au Trésor américain.
Exclus du système international des Etats Unis, l’Iran et la Russie se tournent donc vers la Chine pour organiser leur commerce et tenter de capter des investissements. Deux projets sont en cours. Le premier, encore au stade embryonnaire consiste à créer un nouveau système bancaire, entièrement séparé de l’actuel et qui permettrait à l’Iran de pouvoir accéder plus facilement aux investissements étrangers, ce dont son économie a désespérément besoin. Le second, plus avancé, plus médiatisé et plus spectaculaire est le projet « One Belt One Road » du gouvernement chinois.
En effet, si les Etats Unis se dénotent par leur désengagement de leurs responsabilités mondiales et semblent préférer les économies budgétaires à l’influence, la Chine fait l’inverse. Les vastes investissements en routes et rails vont largement contribuer à la puissance chinoise dans ce qu’elle appelle « l’Asie de l’Ouest ». Cette route, qui évite soigneusement les puissances arabes du Golfe, inféodés aux Etats Unis, connectent en revanche l’Iran et la Russie. La première règle de géographie économique est de dire que les lignes de communication structure les espaces économiques. Avec ce projet, la République islamique (ainsi que la Turquie) devient le vrai carrefour entre la Chine, l’Afrique et l’Ouest. La Chine est déjà le premier acheteur de pétrole iranien, leurs relations ne peuvent que s’intensifier avec le temps.